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ANNETTE ET SYLVIE 67

tard, dans la sortie de l’essaim baguenaudeur. — Babillant, lorgnant, trottant, achevant de se coiffer devant un miroir de poche, ou devant la glace du coin, les petites cousettes se retournaient en passant, et, de leurs yeux battus, vifs et curieux, dévisageaient Annette, — encore dix pas plus loin, trottant, lorgnant, babillant, se retournaient pour regarder Sylvie qui embrassait Annette. Et Annette avait peine, en voyant que Sylvie avait bavardé.

Elle emmena sa sœur dîner à Boulogne. Sylvie s’était invitée. Pour épargner la tante, qui eût fait des « Oh ! », des « Ah ! », il fut convenu en route que Sylvie serait présentée, à titre d’amie. Ce qui ne l’empêcha pas, à la fin du dîner, quand la vieille dame se retira dans sa chambre, conquise par les gentillesses de la petite rusée, de l’appeler : « Ma tante », comme par jeu familier…

Seules, dans le grand jardin, par la claire nuit d’été. Tendrement enlacées, elles allaient à petits pas, aspirant l’haleine des fleurs lasses, qui s’exhale à l’orée d’un beau jour. Comme les fleurs, leur âme exhalait ses secrets. Aux questions d’Annette, Sylvie répondait, cette fois, sans trop cacher. Elle racontait sa vie, depuis la petite enfance ; et d’abord, ses souvenirs du père. Elles en parlaient maintenant sans gêne et sans mutuelle envie ; il leur appartenait à