Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ANNETTE ET SYLVIE 265

loin, le coucou tournait, tournait, plus loin, plus près, redisant inlassable sa vieille plaisanterie. C’était l’explosion de la crise du printemps…

Roger, bruyant, très gai, riant, excitant son chien, était lui-même comme un grand chien heureux. Annette, silencieuse, suivait, à quelques pas. Elle pensait :

— C’est ici… Non, là-bas, au détour…

Elle regardait Roger. Elle écoutait la forêt. Comme tout deviendrait autre, après qu’elle aurait parlé !… Le détour était passé. Elle n’avait point parlé… Elle dit :

— Roger…

d’une voix mal assurée, presque basse, qui tremblait… Il ne l’entendit pas. Il ne remarquait rien. Devant elle, baissé, il cueillait des violettes ; et il parlait, parlait… Elle reprit :

— Roger !

cette fois, avec un tel accent de détresse qu’il se retourna, saisi. Et tout de suite, il vit la pâleur du visage mortellement sérieux ; il vint à elle… Il avait peur déjà. Elle dit :

— Roger, il faut nous séparer.

Ses traits exprimèrent la stupéfaction et l’effroi. Il bégaya :

— Qu’est-ce que vous dites ? Qu’est-ce que vous dites ?

Elle répéta fermement, évitant de le regarder :