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ANNETTE ET SYLVIE 249

Ces réflexions ne manquaient peut-être pas de bon sens. Mais il est des moments, où le bon sens tout sec, sans l’intuition du cœur, est un non-sens. — Annette, un peu froissée, dit avec une froideur fière, qui masquait son émotion :

— Roger, il faut avoir foi en la femme que l’on aime ; il faut, quand on l’épouse, ne pas lui faire l’injure de croire qu’elle n’aurait pas de votre honneur le même souci que vous. Pensez-vous que celle que je suis se prêterait à une équivoque, pour vous humiliante ? Toute humiliation pour vous le serait pour elle aussi. Et plus elle serait libre, plus elle se sentirait tenue à veiller sur la part de vous-même que vous lui auriez confiée. Il faut m’estimer plus. N’êtes-vous pas capable de me faire confiance ?


Il sentit le danger de l’éloigner par ses doutes ; et, se disant qu’après tout, il ne fallait pas attacher à ces propos de femme une importance exagérée, et qu’on aurait le temps, plus tard, d’y aviser — (si elle s’en souvenaitl) — il revint à sa première idée, qui était de le prendre en plaisanterie. Il crut donc très bien faire, en disant galamment :

— Toute confiance, mon Annette ! Je crois en vos beaux yeux. Jurez-moi seulement que