Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme ton droit ? Pourquoi n’as-tu pas confiance en moi, en mon amour ?)

Après qu’il eut fini, elle dit :

— C’est très beau. Je ne serais pas capable, vous le savez, d’exprimer ces choses aussi bien que vous. Mais peut-être qu’à l’occasion, je ne serais pas incapable de les sentir…

Il s’exclama :

— Peut-être ! À l’occasion !

— Vous trouvez cela bien peu, n’est-ce pas ?… C’est plus que vous ne croyez… Mais je n’aime pas à promettre plus… (peut-être ce sera moins)… que je ne pourrais tenir. Je ne sais pas d’avance… Il faut se faire crédit. Nous sommes des honnêtes gens. Nous nous aimons, Roger. On fera tout ce qu’on peut.

Il leva les bras, de nouveau :

— Tout ce qu’on peut !…

Elle sourit, et reprit :

— Voulez-vous me faire crédit ? J’ai besoin d’y faire appel. J’ai beaucoup à demander…

Il fut prudent :

— Dites !

— Je vous aime, Roger ; mais je voudrais être vraie. J’ai vécu, depuis l’enfance, assez seule, et très libre. Mon père me laissait une grande indépendance, dont je n’abusais point, parce qu’elle me semblait tout à fait naturelle, et parce qu’elle était saine. J’ai pris ainsi des