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cane procédurière, qui était dans la famille, et aussi dans la province, s’y épanouissait. Quand le père Brissot avait réussi à pincer au piège un de ceux qu’il guettait, il riait bien. Mais il ne riait point le dernier : l’adversaire était de la même glaise bourguignonne ; on ne le prenait pas sans vert ; le lendemain, il ripostait par un tour de sa façon. Et l’on recommençait…

Sans doute, à ces démêlés Annette n’était pas conviée ; les Brissot en causaient entre eux, au salon, ou à table, tandis que Roger et Annette semblaient occupés l’un de l’autre. Mais la fine attention d’Annette suivait tout ce qui se disait autour. Roger, d’ailleurs, interrompait l’amoureux entretien, pour prendre part à la discussion, qui les passionnait tous. Ils s’échauffaient alors ; tous parlaient à la fois ; ils oubliaient Annette. Ou ils la prenaient à témoin de faits qu’elle ignorait. — Jusqu’à ce que Madame Brissot, se rappelant la présence de celle qui écoutait, coupât net le colloque, et que, tournant vers elle son sourire fondant, elle remît l’entretien sur des routes fleuries. Alors, sans transition, l’on revenait à l’affable bonhomie. C’était dans le ton général un curieux alliage de pruderie et de gauloiserie, — de même que se mêlaient dans la vie de château largesse et lésinerie. Monsieur Bris-