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comme ce souffle de prairie, comme un morceau du printemps. À demain, de faire le jour dans sa pensée ! Elle se donnait congé pour aujourd’hui. Jouissons de cette heure délicieuse ! Elle ne sera pas deux fois… Il lui semblait voler au-dessus de la terre, avec son bien-aimé.

On fut trop tôt arrivé, bien qu’au dernier tournant, en montant l’allée de peupliers, on allât à petits pas, et même, que s’arrêtant pour laisser souffler le cheval, à l’abri des hautes haies qui masquaient la façade du château, les deux jeunes gens s’étreignissent longuement sans parler.

Les Brissot s’empressèrent. Ils surent trouver des paroles délicates pour évoquer discrètement le souvenir de son père. Dans le cercle de famille, Annette, le premier soir, se laissait choyer, reconnaissante, attendrie ; il y avait si longtemps qu’elle était privée de la chaleur affectueuse du foyer ! Elle voulait se faire illusion. Chacun y mettait du sien. Sa résistance était engourdie…


Mais, au milieu de la nuit, comme elle se réveillait, écoutant une souris qui rongeait, dans le silence de la vieille maison, sa pensée évoqua l’idée de la souricière ; elle se dit :

— Je suis prise…