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Les Brissot, prudemment, se prêtèrent au vœu qu’exprimait Annette, de prolonger la période des fiançailles : ils ne voulaient pas compromettre le succès, en se montrant trop pressants. Mais il leur parut nécessaire d’entourer Annette, pendant les mois d’attente. On ne pouvait la laisser livrée à elle-même : l’étrange fille risquait toujours de s’échapper.

On était aux approches du Dimanche de la Passion. Les Brissot invitèrent Annette à passer chez eux, dans leur propriété de Bourgogne, les semaines de Pâques. Annette accepta, à regret ; elle était tentée, et elle avait peur : peur d’ajouter aux chaînes qui déjà la liaient ; peur d’être prise tout à fait, ou bien de tout briser ; peur d’autres choses encore, plus dangereuses, qu’elle ne voulait pas regarder. Elle ne tenait pas à sortir de l’état d’incertitude amoureuse où elle se laissait bercer : elle en souffrait un peu, et elle y trouvait du charme. Elle eût voulu le prolonger. Mais elle savait bien que ce n’était pas sain, et qu’elle n’en avait pas le droit, vis-à-vis de Roger.