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Elle préparait posément son mariage avec un homme politique, d’une quarantaine d’années, qui était en ce moment gouverneur d’une des grandes colonies d’outre-mer. Elle n’avait nullement songé à l’y accompagner. Elle ne voulait quitter Paris et le nom des Brissot que lorsque l’heureux élu pourrait lui offrir en France une situation digne d’elle. Au reste, elle savait, en haut lieu, ne pas le faire oublier. Ils s’écrivaient avec régularité des lettres cordiales et d’affaires. Cette cour à distance durait depuis plusieurs années. Le mariage viendrait à son heure. Elle n’était pas pressée. Le mari serait un peu mûr. Mais il n’en vaudrait que mieux, au goût de Mademoiselle Brissot. C’était une forte tête. — De tête, les Brissot n’avaient jamais manqué. Celle de Mademoiselle Brissot était éminemment politique. Elle était, disait sa mère, de vocation, une Égérie. Madame Brissot admirait les lumières de Mademoiselle Brissot. Mademoiselle Brissot admirait le génie domestique et l’esprit de Madame Brissot. Elles se faisaient des grâces minaudières. Elles s’embrassaient devant Annette. C’était charmant.

Elles mirent pourtant une sourdine à ce culte mutuel, pour cajoler Annette. Ce ne furent que compliments, sur elle, sur sa maison, sur ses toilettes, son goût, son esprit, sa beauté. Le ton excessivement louangeur choquait un peu