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rouge et or elle se contemple nue… Un sentiment de gêne, obscure, indéfinissable : comme si d’autres yeux à l’affût la voyaient. Afin d’y échapper, elle entre plus avant dans l’eau, qui monte jusque sous le menton. L’eau sinueuse devient une étreinte vivante ; et des lianes grasses s’enroulent à ses jambes. Elle veut se dégager, elle enfonce dans la vase. Tout en haut, sur l’étang, dort la plaque de soleil. Elle donne avec colère un coup de talon au fond, et remonte à la surface. L’eau maintenant est grise, terne, salie. Sur son écaille luisante, mais toujours le soleil… Annette, au bras d’un saule qui pend sur l’étang, s’accroche, pour s’arracher à l’humide souillure. Le rameau feuillu, comme une aile, couvre les épaules et les reins nus. L’ombre de la nuit tombe, et l’air froid sur la nuque…


Elle sort de sa torpeur. Depuis qu’elle y a sombré, quelques secondes à peine se sont écoulées. Le soleil disparaît derrière les coteaux de Saint-Cloud. C’est la fraîcheur du soir.

Annette, dégrisée, se lève, un peu frissonnante, et, fronçant le sourcil de dépit irrité pour l’aberration où elle s’est laissée choir, dans le fond de sa chambre, devant son feu va se rasseoir. Un aimable feu de bois, dont