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de tous les côtés. Rares, infiniment, sont les esprits qui projettent leur lumière tout autour, en marchant. La plupart de ceux qui ont réussi à allumer leur lanterne (et ils ne sont pas nombreux !) tiennent leur fanal braqué devant eux, sur un point, un seul point ; et autour, ils ne voient goutte. On dirait même que l’avance dans une direction soit presque toujours payée par un recul dans une autre. Tel qui, en politique, est un révolutionnaire, est, en art, un conservateur poncif. Et s’il s’est dépouillé d’une poignée de ses préjugés, (de ceux auxquels il tenait le moins), il n’en serre que plus avarement les autres contre sa peau.

Nulle part ne s’accusaient mieux les inégalités de cette marche cahotante que dans l’évolution morale des deux sexes. La femme qui, s’efforçant de rompre avec les errements du passé, s’engageait sur un des sentiers qui menaient à la société nouvelle, y rencontrait rarement l’homme qui voulait aussi fonder le monde nouveau. Il prenait une autre route. Et si leurs chemins grimpants devaient finir, peut-être, par se réunir là-haut, pour l’instant, ils se tournaient le dos. Cette divergence de buts était surtout frappante, à cette époque, en France, où l’esprit féminin, plus longtemps retenu en arrière, était en train de prendre, depuis quelques années, une soudaine avance,