ANNETTE ET SYLVIE 173
prend pas, fait crédit aux beautés que, plus tard, il découvrira, peut-être…
Annette, étant loyale, croyait à la vertu des étiquettes, ignorant que nulle part la fraude n’est plus courante que dans le commerce des idées. Elle attribuait encore quelque réalité aux ismes de fabrique, dont le cachet distingue les divers crus politiques ; et elle était attirée par ceux qui annonçaient les partis avancés. Une secrète illusion lui faisait espérer que c’était de ce côté qu’elle aurait le plus de chances de rencontrer le compagnon. Habituée à l’air libre, elle allait vers ceux qui le cherchaient, comme elle, hors des vieux préjugés, des manies séculaires, et de l’étouffement de la maison du passé. Elle ne disait point de mal de la vieille demeure. Des générations y avaient abrité le rêve de leur vie. Mais l’air était vicié. Y reste qui voudra ! Il fallait respirer. Et elle quêtait des yeux l’ami qui l’aiderait à reconstruire, saine et claire, sa maison.
Dans les salons qu’elle fréquentait, il ne manquait pas de jeunes hommes capables, semblait-il, de la comprendre et de l’aider. Avec ou sans étiquette, beaucoup avaient l’esprit hardi. — Mais le malheur voulait que leur hardiesse ne fût pas orientée vers les mêmes horizons. Comme dit le philosophe, « l’élan vital ») est limité. Il ne s’exerce jamais, à la fois,