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ANNETTE ET SYLVIE 153

visitée, soupirait, se retrouvant plus seule et plus troublée.


Ce n’étaient pourtant pas les occupations qui lui manquaient. Ses journées étaient aussi pleines que celles de Sylvie.

Sa vie, sa double vie, intellectuelle et mondaine, interrompue depuis la mort du père, avait repris son cours. Les besoins de son esprit, qu’avaient refoulés, pendant la dernière année, les exigences du cœur, s’étaient réveillés plus forts. Autant pour combler les heures creusées par l’absence de Sylvie que parce qu’en une riche nature l’intelligence est mûrie par les expériences de la vie passionnelle, elle s’était remise à ses études de sciences ; et elle s’étonnait d’y porter un regard plus clair qu’elle ne l’avait, avant. Elle s’intéressait à la biologie, et projetait une thèse sur les origines du sentiment esthétique et ses manifestations dans la nature.

Elle avait renoué aussi ses relations de société ; elle retournait dans le monde qu’elle fréquentait jadis avec son père. Elle y trouvait un plaisir neuf. Plaisir de curiosité, d’esprit plus averti, qui découvrait chez ceux qu’on croyait connaître des aspects imprévus dont on ne se doutait pas. D’autres plaisirs encore, d’un ordre bien différent, les uns dont on convenait, les