ANNETTE ET SYLVIE 149
que tu as la prétention, par hasard, de me la reprendre ? Non, non, elle est à moi, je ne te la rends pas. Quand je serai fatiguée, je compte bien m’y faire gâter. Et tu sais, certains soirs, où tu ne m’attendras pas, à des heures indues, j’arrive, j’ai la clef, j’entre et je te surprends… Gare, si tu fais des farces !… Tu verras, tu verras, on s’aimera encore plus ; ce sera encore meilleur… Se quitter !… Penses-tu que je voudrais te quitter, que je pourrais me passer de mon Annette jolie !
— Ah ! câline ! mâtine ! disait Annette, en riant, comme elle s’entend bien à vous enjôler ! Sacré petit menteur !
— Annette ! veux-tu pas jurer ! faisait Sylvie, sévère.
— Eh bien ! menteur tout court… Est-ce que c’est permis ?
— Oui, ça, ça peut aller, disait Sylvie, magnanime… Elle sautait au cou d’Annette, et l’embrassait à l’étouffer.
— Je te mens, je te mens, je te mange !…
La tendre et rusée avait d’autres moyens de se faire pardonner. Elle demanda à Annette de l’aider à s’établir à son compte. Cette « jeunesse » de vingt ans voulait être maîtresse chez soi, ne plus être commandée, commander à son tour, — ne fût-ce qu’à son mannequin.