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146 L’AME ENCHANTÉE

trompettants, qui se régalaient de ses chevilles et de ses poignets. Elle en eût bien pleuré d’agacement et d’ennui. — Annette, toute à la joie du grand air et de la solitude avec la sœur aimée, invulnérable à l’ennui, et riant des piqûres, cherchait à entraîner Sylvie dans ses courses crottées, sans remarquer la mine maussade et dégoûtée. Un souffle de vent de pluie l’enivrait ; elle oubliait Sylvie, elle partait à grands pas dans les terres labourées, ou à travers les bois, en secouant les branches mouillées ; ce n’était que longtemps après qu’elle se souvenait de la petite délaissée. Et Sylvie, qui boudait, en mirant piteusement son visage gonflé, se morfondait, pensant :

— Quand sera-t-on rentrées ?

Enfin, parmi les mille et une volontés de la Rivière cadette, il y en avait une qui était bonne, bon teint, que rien ne pouvait altérer ; et l’air de la campagne y donnait un nouveau lustre. Elle aimait son métier. Elle l’aimait vraiment. De bonne race ouvrière de Paris, il lui fallait son travail, son aiguille et son dé, pour occuper ses doigts et sa pensée. Elle avait le goût inné de la couture ; ce lui était une volupté physique de manier pendant des heures une étoffe, un tissu léger, une mousseline de soie, de les plisser, froncer, de donner un coup de pouce à une coque de ruban. Et puis, sa