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Premiers jours d’octobre, gris et doux. Air silencieux. Pluie tiède qui tombe droite, et ne se presse pas. Odeur chaude et charnelle de la terre mouillée, des fruits mûrs au cellier, des cuvées au pressoir…

Près d’une fenêtre ouverte, dans la maison de campagne des Rivière, en Bourgogne, les deux sœurs étaient assises, l’une en face de l’autre, et cousaient. La tête baissée sur l’ouvrage, elles avaient l’air de pointer l’une contre l’autre leurs fronts ronds et sans plis, — ce même front bombé, plus mignon chez Sylvie, chez Annette plus fort, capricieux chez l’une et chez l’autre obstiné, — la chèvre et la petite taure. Mais quand elles relevaient la tête, leurs yeux échangeaient un regard d’intelligence. Leurs langues se reposaient, ayant carillonné pendant des jours entiers. Elles ruminaient leur fièvre, leurs transports, leurs lampées de paroles passées, et tout ce qu’elles avaient pris et appris l’une de l’autre depuis des jours. Car, cette fois, elles s’étaient livrées tout entières,