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Elle revenait, dans la nuit. La lune allait paraître ; elle était encore lointaine ; mais derrière l’horizon, du gouffre des ténèbres on la sentait monter. Une faible clarté frangeait la ligne des cimes qui encerclaient le plateau, comme les bords d’une coupe ; et, de minute en minute, s’accentuaient sur un fond d’auréole leurs profils noirs. Annette marchait sans hâte ; et son sein, qui reprenait son souffle régulier, respirait lentement l’odeur des prés fauchés.

Dans l’ombre sur la route, au loin, elle entendit des pas précipités. Son cœur battit. Elle s’arrêta. Elle les reconnaissait ; puis, elle se remit à marcher, plus vite, à leur rencontre. De l’autre côté aussi, on avait entendu. Une voix inquiète appelait :

— Annette !

Annette ne répondit pas : elle ne pouvait pas, elle était saisie ; un ruisseau de joie coulait ; tout le reste des peines, tout était effacé. Elle ne répondit pas ; mais elle marcha plus vite, encore plus vite. Et l’autre, maintenant, courait. Elle répéta :