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122 L’AME ENCHANTEE

m’a-t-elle menti ? Tout le reste, mais pas cela ! Pourquoi m’a-t-elle trompée ? Pourquoi ne m’a-t-elle pas dit franchement qu’elle l’aimait ? Pourquoi a-t-elle agi envers moi en ennemie ?… Ah ! Et puis toutes ces choses en elle, que je voudrais tant ne pas voir, qui ne sont pas très propres, pas très bonnes, pas très belles !… Mais ce n’est pas sa faute. Comment pourrait-elle savoir ? Quelle vie, depuis l’enfance, il lui a fallu mener !… Et moi, est-ce que j’ai le droit de lui faire des reproches ? Est-ce que j’étais franche ?… Et était-ce plus propre, ce qu’il y avait en moi ?… Ce qu’il y avait ? Ce qu’il y a !… Je sais bien que c’est toujours là…

Elle soupira, lassée. Puis, elle dit :

— Allons ! il faut en finir ! C’est moi la plus âgée. Et c’est moi la plus folle !… Que Sylvie soit heureuse !

Mais, après avoir dit : « Allons ! » elle resta quelque temps encore sans bouger. Elle écoutait le silence, et songeait, en mordant les phalanges de ses doigts, écorchées. — Et puis, elle respira, se leva, sans parler, et se mit à marcher.