ANNETTE ET SYLVIE 117
paraître plus charmant qu’eux tous, puisqu’il les contenait tous)… Essayer de lutter avec elle sur ce terrain eût été un désastre pour Annette. Elle ne le savait que trop : elle était vaincue d’avance ; qu’est-ce que c’eût été, après ? Elle demanda à rester en dehors de la fête, prétextant sa santé : sa mauvaise mine lui était une excuse suffisante. Tullio ne se montra point très insistant. — À peine eut-elle refusé qu’elle souffrit bien plus de s’être retiré toute arme pour lutter. Même sans espoir, la lutte est encore un espoir. Maintenant, elle devait laisser en tête à tête Tullio et Sylvie, une partie de la journée. Elle s’obligeait à suivre, pour les gêner, toutes les répétitions. Elle ne les gênait guère. Elle les excitait plutôt, — surtout cette effrontée, qui faisait recommencer dix fois une scène d’enlèvement d’odalisque pâmée par le corsaire byronien aux yeux de sombre feu grinçant des dents, fatal, félin, prêt à bondir comme un jaguar. Il jouait le rôle, comme s’il allait mettre à feu et à sang tout le Palace-Hôtel. Quant à Sylvie, elle en eût remontré aux vingt mille houris, qui tirent la barbe au Prophète, en son paradis.
Le soir de la représentation vint. Annette dissimulée au dernier rang de la salle, heureusement oubliée au milieu de l’enthousiasme, ne