Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

110 L’AME ENCHANTEE

Elle n’en resta point là. Toute la matinée, elle s’ingénia à des rapprochements, qui ne semblaient point voulus, et d’où Annette ne sortait pas à son avantage. Sous prétexte d’en appeler au goût supérieur de Tullio, à propos d’un collet, d’une blouse, ou d’une écharpe, elle s’arrangeait de manière à attirer son attention sur ce qu’elle n’avait pas de plus laid, et sur ce qu’Annette n’avait pas de plus beau. Annette, frémissante, l’air de ne pas entendre, se tenait à quatre de ne pas l’étrangler. Sylvie, toujours charmante, entre deux petites rosseries, de ses doigts joints sur sa bouche lui décochait un baiser. Mais, par instants, un éclair de leurs yeux se heurtait…

(Annette) — « Je te méprise ! »

(Sylvie) — « Possible. Mais c’est moi qu’on aime. »

— « Non ! Non ! » criait Annette.

— « Si ! Si ! » ripostait Sylvie.

Elles échangeaient un regard provocant.

Annette n’était pas de force à cacher longtemps son animosité sous le sourire, ainsi que ce petit serpent sous les fleurs. Si elle fût restée, elle l’eût criée. Brusquement, elle laissa le champ libre à Sylvie. Elle partit, tête haute, lui lançant un dernier regard de défi. L’œil railleur de Sylvie lui répondait :

— Qui vivra rira.