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104 L’AME ENCHANTÉE

Annette commença de sentir une souffrance confuse, quand elle vit Tullio s’empresser près de sa sœur. Toutes deux, bonnes danseuses, chacune avait sa manière. Annette fit tout ce qu’elle put pour établir sa supériorité. Et certes, elle dansait mieux, au regard des connaisseurs. Mais Sylvie, moins correcte, avait plus d’abandon ; et dès l’instant qu’elle saisit l’intention d’Annette, elle devint irrésistible. Tullio, en effet, n’y résista point. Annette eut la douleur de voir qu’elle était délaissée. Après une suite de danses avec Sylvie, ils sortirent tous deux, en causant et riant, par la belle nuit d’été. Elle ne put se commander. Il fallut qu’elle quittât le salon, elle aussi. Sans oser s’engager dans le jardin, à leur suite, elle chercha à les voir, de la galerie vitrée qui menait au jardin ; et elle les vit, dans l’allée, elle les vit qui, penchés l’un près de l’autre, en marchant, échangeaient des baisers.

Cette peine n’était rien auprès de celle qui suivit. — Quand, remontée dans sa chambre, assise sans lumière, Annette vit rentrer Sylvie tout animée, qui s’exclama en la trouvant seule dans l’obscurité, lui caressa les mains, lui baisota les joues, lui fit ses mille et une gentillesses ordinaires, — et quand, après avoir prétexté une migraine subite qui l’avait obligée à se retirer, elle demanda à sa sœur comment