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avantage. Forte, bien découplée, aimant la marche et les jeux de mouvement, elle était au tennis une brillante partenaire, l’œil sûr, le jarret souple, le poignet prompt, des ripostes comme des éclairs. Habituellement sobre de gestes, elle avait, aux instants nécessaires, une admirable fougue, des détentes foudroyantes. Sylvie, émerveillée, battait des mains, en la voyant bondir ; elle était fière de sa sœur. Elle l’admirait d’autant plus qu’elle se sentait incapable de l’imiter : cette svelte Parisienne était inapte à tous les jeux sportifs ; et elle comprenait médiocrement leur attrait. Il fallait se donner trop de mouvement ! Elle trouvait plus agréable — et surtout, plus prudent — de rester spectatrice. Elle ne perdait pas son temps…

Elle avait formé une petite cour, et elle y trônait, comme si elle n’avait fait que cela, de sa vie. La fine mouche savait imiter chez les jeunes femmes du monde qu’elle observait tout ce qui était de bon aloi, piquant, et facile à emprunter. L’air de n’y pas toucher, délicieusement distraite, elle avait toujours l’œil et l’oreille aux aguets ; rien ne se perdait pour elle. Mais son meilleur modèle restait encore Annette. Avec un sûr instinct, elle savait non seulement la copier en maint et maint détails, mais relever la copie par de légères variantes, et même, en certains cas, en prendre le contre-pied, — oh !