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À quelques maisons de la sienne, était une échoppe de savetier, un peu en contre-bas de la rue, — quelques planches clouées ensemble, avec des vitres sales et des carreaux de papier. On y descendait par trois marches, et il fallait baisser le dos pour s’y tenir debout. Il y avait juste la place pour un rayon de savates et deux escabeaux. Tout le jour, on entendait, selon la tradition du savetier classique, le maître de céans chanter. Il sifflait, tapait ses semelles, braillait d’une voix enrouée des gaudrioles et des chansons révolutionnaires, ou interpellait à travers son bocal les voisines qui passaient. Une pie à l’aile cassée, qui se promenait sur le trottoir en sautillant, venait d’une loge de concierge lui rendre visite. Elle se posait sur la première marche, à l’entrée de l’échoppe, et regardait le savetier. Il s’interrompait un moment pour lui dire des grivoiseries, d’un ton flûté, ou il s’évertuait à lui siffler l’Internationale. Elle restait, le bec levé, écoutant

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