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LA FIN DU VOYAGE

romanesque. D’autres, par logique raisonneuse, dénuée de sens commun. Quelques-uns par bonté. Les malins ne se servaient des idées que comme d’armes pour la bataille ; leurs visées étaient immédiates : ils luttaient pour un salaire précis, pour un nombre d’heures de travail. Les pires couvaient l’espoir secret de revanches grossières de leur vie misérable.

Mais le courant qui les portait était plus sage qu’eux, et il savait où il allait. Qu’importait qu’il dût momentanément se briser contre la digue du vieux monde ! Olivier prévoyait qu’une révolution sociale serait aujourd’hui écrasée. Mais il savait aussi qu’elle n’atteindrait pas moins ses fins par la défaite que par la victoire : car les oppresseurs ne font droit aux demandes des opprimés que lorsque ces opprimés leur inspirent la peur. Ainsi, la violence des révolutionnaires ne servait pas moins à leur cause que la justice de cette cause. L’une et l’autre faisaient partie du plan de la force aveugle et sûre qui mène le troupeau humain…


« Car considérez ce que vous êtes, vous que le Maître a appelés. Selon la chair, il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages, ni beaucoup de forts, ni beaucoup de nobles. Mais Il