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LE BUISSON ARDENT

— Pour venir jusqu’à moi, prenez le même chemin.

Le feu créateur qui l’avait brûlé pendant des mois était tombé. Mais Christophe en gardait dans son cœur la chaleur bienfaisante. Il savait que le feu renaîtrait : si ce n’était en lui, ce serait autour de lui. Où que ce fût, il l’aimerait autant : ce serait toujours le même feu. En cette fin de journée de septembre, il le sentait répandu dans la nature entière.


Il remonta vers sa maison. Il y avait eu un orage. C’était maintenant le soleil. Les prairies fumaient. Des pommiers les fruits mûrs tombaient dans l’herbe humide. Tendues aux branches des sapins, des toiles d’araignées, brillantes encore de pluie, étaient pareilles aux roues archaïques de chariots mycéniens. À l’orée de la forêt mouillée, le pivert secouait son rire saccadé. Et des myriades de petites guêpes, qui dansaient dans les rayons de soleil, remplissaient la voûte des bois de leur pédale d’orgue continue et profonde.

Christophe se trouva dans une clairière, au creux d’un plissement de la montagne, un vallon fermé, d’un ovale régulier, que le soleil couchant inondait de sa lumière : terre rouge ; au milieu, un petit champ doré,