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LE BUISSON ARDENT

lichens longs et fins, comme des toiles d’araignées, enveloppaient de leurs résilles les branches de sapins rouges, les ligotaient des pieds à la tête, passaient d’un arbre à l’autre, étouffaient la forêt. On eût dit des algues sous-marines aux tentacules sournoises. Et c’était le silence des profondeurs océaniques. En haut, le soleil pâlissait. Des brouillards, qui s’étaient insidieusement glissés au travers de la forêt morte, cernèrent Christophe. Tout disparut ; il n’y eut plus rien. Pendant une demi-heure, Christophe erra au hasard, dans le réseau de brume blanche, qui peu à peu se resserrait, noircissait, lui entrait dans la gorge ; il croyait marcher droit, et il tournait en cercle sous les gigantesques toiles d’araignées qui pendaient des sapins étouffés ; le brouillard, en les traversant, y laissait attachées des gouttes grelottantes. Enfin, les mailles se détendirent, une trouée se fit, et Christophe réussit à sortir de la forêt sous-marine. Il retrouva les bois vivants et la lutte silencieuse des sapins et des hêtres. Mais c’était toujours même immobilité. Ce silence qui couvait depuis des heures angoissait. Christophe s’arrêta pour l’entendre…

Soudain, ce fut au loin une houle qui venait. Un coup de vent précurseur se levait du fond de la forêt. Comme un cheval au