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LA FIN DU VOYAGE

chavirés, puis se remit à regarder devant lui, avec son sourire hébété. Christophe demanda :

— Qu’est-ce que vous regardez ?

L’homme, immobile, dit, à mi-voix :

— J’attends.

— Quoi ?

— La Résurrection.

Christophe tressauta. Il partit précipitamment. La parole l’avait pénétré d’un trait de feu.

Il s’enfonça dans la forêt, il remonta les pentes, dans la direction de sa maison. Dans son trouble, il perdit le chemin ; il se trouva au milieu des grands bois de sapins. Ombre et silence. Quelques taches de soleil d’un blond roux, venues on ne savait d’où, tombaient dans les épaisseurs de l’ombre. Christophe était hypnotisé par ces plaques de lumière. Tout semblait nuit, autour. Il allait, sur le tapis d’aiguilles, buttant contre les racines qui saillaient comme des veines gonflées. Au pied des arbres, pas une plante, pas une mousse. Dans les branches, pas un chant d’oiseau. Les rameaux du bas étaient morts. Toute la vie s’était réfugiée en haut, où était le soleil. Bientôt, cette vie même s’éteignit. Christophe entra dans une partie du bois que rongeait un mal mystérieux. Des sortes de