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LE BUISSON ARDENT

bas, les cloches montèrent. De l’un d’abord, blotti, ainsi qu’un nid, dans un creux, au pied de la montagne, avec ses toits de chaumes bariolés, noirs et blonds, revêtus de mousse épaisse, comme du velours. Puis, d’un autre, invisible, sur l’autre versant du mont. Puis, d’autres dans la plaine, au delà d’une rivière. Et le bourdon, très loin, d’une ville qui se perdait dans la brume. Christophe s’arrêta. Son cœur était près de défaillir. Ces voix semblaient lui dire :

— Viens avec nous. Ici est la paix. Ici, la douleur est morte. Morte, avec la pensée. Nous berçons l’âme si bien qu’elle s’endort dans nos bras. Viens, et repose-toi, tu ne t’éveilleras plus.

Comme il se sentait las ! Qu’il eût voulu dormir ! Mais il secoua la tête, et dit :

— Ce n’est pas la paix que je cherche, c’est la vie.

Il se remit en marche. Il parcourait des lieues, sans s’en apercevoir. Dans son état de faiblesse hallucinée, les sensations les plus simples lui arrivaient avec des résonnances inattendues. Sa pensée projetait tout autour, sur la terre et dans l’air, des lueurs fantastiques. Une ombre qui courait devant lui, sans qu’il en vît la cause, sur la route blanche et déserte au soleil, le fit tressaillir.