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Les jours passèrent. Christophe sortit de là, vidé de sa vie. Il persistait pourtant à se tenir debout, il sortait, il marchait. Heureux, ceux qu’une race forte soutient, dans les éclipses de leur vie ! Les jambes du père et du grand-père portaient le corps du fils tout prêt à s’écrouler ; la poussée des robustes ancêtres soulevait l’âme brisée, comme le cavalier mort que son cheval emporte.


Il allait, par un chemin de crête, entre deux ravins ; il descendait l’étroit sentier aux pierres aiguës, entre lesquelles serpentaient les racines noueuses de petits chênes rabougris ; sans savoir où il allait, et plus sûr de ses pas que si une volonté lucide l’eût mené. Il n’avait pas dormi ; à peine avait-il mangé depuis plusieurs jours. Il avait un brouillard devant les yeux. Il descendait vers la vallée. — C’était la semaine de Pâques. Jour voilé. Le dernier assaut de l’hiver était vaincu. Le chaud printemps couvait. Des villages d’en

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