Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

285
LE BUISSON ARDENT

main de Christophe. Le geste d’un enfant qui a peur de marcher dans la nuit…

Alors s’écoulèrent quelques secondes effroyables… Anna ne tirait pas. Christophe voulait relever la tête, il voulait lui saisir le bras ; et il craignait que son mouvement même ne la décidât à tirer. Il n’entendait plus rien, il perdait connaissance… Un gémissement d’Anna lui traversa le cœur. Il se redressa. Il vit Anna, le visage décomposé de terreur. Le revolver était tombé sur le lit, devant elle. Elle répétait plaintivement :

— Christophe !… Le coup n’est pas parti !…

Il prit l’arme ; le long oubli où elle était restée l’avait rouillée ; mais le fonctionnement était bon. Peut-être la cartouche avait-elle été détériorée par l’air. — Anna tendit la main vers le revolver.

— Assez ! supplia-t-il.

Elle ordonna :

— Les cartouches !

Il les lui remit. Elle les examina, en prit une, chargea sans cesser de trembler, appuya de nouveau l’arme sur son sein, et tira. — Le coup rata encore.

Anna jeta le revolver dans la chambre.

— Ah ! c’est trop ! c’est trop ! cria-t-elle. Il ne veut pas que je meure !

Elle se tordait dans ses draps ; elle était