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Christophe ne renouvelait pas l’épreuve d’entendre chanter Anna. Il craignait… une désillusion, ou quoi d’autre ? Il n’eût pas su le dire. Anna avait la même crainte. Elle évitait de se trouver dans le salon, quand il commençait à jouer.

Mais un soir de novembre qu’il lisait auprès du feu, il vit Anna assise, son ouvrage sur ses genoux, et plongée dans une de ses songeries. Elle regardait le vide, et Christophe crut voir passer dans son regard des lueurs de l’ardeur étrange de l’autre soir. Referma son livre. Elle se sentit observée et se remit à coudre. Sous ses paupières baissées, elle voyait toujours tout. Il se leva et dit :

— Venez.

Elle fixa sur lui ses yeux où flottait encore un peu de trouble, comprit, et le suivit.

— Où allez-vous ? demanda Braun.

— Au piano, répondit Christophe.

Il joua. Elle chanta. Aussitôt, il la retrouva

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