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LE BUISSON ARDENT

les exercices spirituels, pour les exercices physiques, pour se réunir, tout simplement, pour se divertir ensemble ; il y avait des Vereine de quartiers, de corporations ; il y en avait pour ceux qui avaient le même état, le même chiffre de fortune, qui pesaient le même poids, qui portaient le même prénom. On disait qu’on avait voulu former un Verein des Vereinlosen (de ceux qui n’appartenaient à aucun Verein) : on n’en avait pas trouvé douze.

Sous ce triple corset, de la ville, de la caste, et de l’association, l’âme était ficelée. Une contrainte cachée comprimait les caractères. La plupart y étaient faits depuis l’enfance, — depuis des siècles ; et ils la trouvaient saine ; ils eussent jugé malséant et malsain de se passer de corset. À voir leur sourire satisfait, nul ne se fut douté de la gêne qu’ils pouvaient éprouver. Mais la nature prenait sa revanche. De loin en loin, il sortait de là quelque individualité révoltée, un vigoureux artiste ou un penseur sans frein, qui brisait brutalement ses liens et qui donnait du fil à retordre aux gardiens de la cité. Ils étaient si intelligents que, quand le révolté n’avait pas été étouffé dans l’œuf, quand il était le plus fort, jamais ils ne s’obstinaient à le combattre — (le combat eût risqué