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LE BUISSON ARDENT


Calme du cœur. Les vents suspendus. L’air immobile…

Christophe était tranquille ; la paix était en lui. Il éprouvait quelque fierté de l’avoir conquise. Et secrètement, il en était contrit. Il s’étonnait du silence. Ses passions étaient endormies ; il croyait, de bonne foi, qu’elles ne se réveilleraient plus.

Sa grande force, un peu brutale, s’assoupissait, sans objet, désœuvrée. Au fond, un vide secret, un : « à quoi bon », caché ; peut-être le sentiment du bonheur qu’il n’avait pas su saisir. Il n’avait plus assez à lutter ni contre soi, ni contre les autres. Il n’avait plus assez de peine, même à travailler. Il était arrivé au terme d’une étape ; il bénéficiait de la somme de ses efforts antérieurs ; il épuisait trop aisément la veine musicale qu’il avait ouverte ; et tandis que le public, naturellement en retard, découvrait et admirait ses œuvres passées, lui, commençait à s’en détacher, sans savoir encore s’il irait plus avant. Il jouissait, dans

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