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LE BUISSON ARDENT

Christophe haussait les épaules, et disait que ce n’était pas pour rien que l’époque avait pour héros Cyrano le hâbleur et le poulet fanfaron, Chantecler, les héros qui mentent.

Olivier hochait la tête. Il savait qu’en France hâbler est le commencement de l’action. Toutefois, il ne croyait pas plus que Christophe à un mouvement prochain : on l’avait trop annoncé, et le gouvernement se tenait sur ses gardes. Il y avait lieu de croire que les stratèges syndicalistes remettraient le combat à un moment plus opportun.


Dans la seconde quinzaine d’avril, Olivier eut un accès de grippe ; elle le reprenait, chaque hiver, à peu près vers la même date, et elle réveillait une bronchite ancienne. Christophe s’installa chez lui, pour deux ou trois jours. Le mal fut assez léger et passa rapidement. Mais il amena, comme à l’ordinaire, chez Olivier, une fatigue morale et physique qui persista quelque temps après que la fièvre fut tombée. Il restait au lit, étendu, pendant des heures, et il n’avait pas envie de se lever, il n’avait pas envie de bouger ; il était là, regardant Christophe qui lui tournait le dos, assis à sa table, et travaillant.