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LE BUISSON ARDENT

croyons tous la même chose. Seulement, ils croient moins que nous. Ce sont des gens qui, pour voir la lumière, ont besoin de fermer leurs volets et d’allumer leur lampe. Ils mettent Dieu dans un homme. Nous avons de meilleurs yeux. Mais c’est toujours la même lumière que nous aimons.


Le petit retournait chez lui, par les rues sombres où les becs de gaz n’étaient pas encore allumés. Les paroles d’Olivier bourdonnaient dans sa tête. Il se disait qu’il est aussi cruel de se moquer des gens parce qu’ils ont de mauvais yeux que parce qu’ils sont bossus. Et il pensait à Rainette qui avait de jolis yeux ; et il pensait qu’il les avait fait pleurer. Cela lui fut insupportable. Il revint sur ses pas, il alla à la maison du papetier, La fenêtre était encore entr’ouverte ; il y coula doucement la tête et appela à voix basse :

— Rainette.

Elle ne répondit pas.

— Rainette. Je te dis pardon.

La voix de Rainette, dans l’ombre, dit :

— Méchant ! Je te déteste.

— Pardon, répéta-t-il.

Il se tut. Puis, d’un élan soudain, il dit, plus bas encore, troublé, un peu honteux :