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LA FIN DU VOYAGE

flamme éternelle. Il suffit d’une étincelle qui jaillisse d’une autre âme et transmette à celle qui attend, le feu de Prométhée. Ce soir de printemps, la tranquille parole d’Olivier alluma dans l’esprit que recelait le petit corps difforme, comme une lanterne bossuée, la lumière qui ne s’éteint plus. Aux raisonnements d’Olivier il ne comprenait rien ; à peine les entendait-il. Mais ces légendes, ces images qui étaient pour Olivier de belles fables, des sortes de paraboles, en lui se faisaient chair, devenaient réalité. Le conte de fées s’animait et palpitait autour de lui. Et la vision qu’encadrait la fenêtre de la chambre, les hommes qui passaient dans la rue, les riches et les pauvres, et les hirondelles qui frôlaient les murs, et les chevaux harassés qui traînaient leur fardeau, et les pierres des maisons qui buvaient l’ombre du crépuscule, et le ciel pâlissant où mourait la lumière, — tout ce monde extérieur s’imprima brusquement en lui comme un baiser. Ce ne fut qu’un éclair. Puis, cela s’éteignit. Il pensa à Rainette, et dit :

— Mais ceux qui vont à la messe, ceux qui croyent au bon Dieu, c’est pourtant des toqués ?

Olivier sourit :

— Ils croient, dit-il, comme nous. Nous