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LE BUISSON ARDENT

Cela le fit dégringoler, du haut de son éloquence. Il se tut, consterné. Les autres se tordaient de rire. De tout l’après-midi, il ne desserra plus les dents. Le soir, il s’en retournait chez lui ; il avait hâte d’être rentré, pour se cacher dans un coin, et pour souffrir tout seul. Olivier le rencontra ; il fut frappé de son visage terreux ; il devina sa souffrance.

— Tu as de la peine. Pourquoi ?

Emmanuel ne voulait pas parler. Olivier insista affectueusement. Le petit persistait à se taire ; mais sa mâchoire tremblait, comme s’il était près de pleurer. Olivier le prit par le bras et l’emmena chez lui. Bien qu’il éprouvât, lui aussi, pour la laideur et pour la maladie, cette répulsion instinctive et cruelle qu’ont ceux qui ne sont pas nés avec des âmes de sœurs de charité, il n’en laissait rien voir.

— On t’a fait de la peine ?

— Oui.

— Qu’est-ce qu’on a fait ?

Le petit débonda son cœur. Il dit qu’il était laid. Il dit que ses camarades avaient dit que leur révolution n’était pas pour lui.

— Elle n’est pas pour eux non plus, mon petit, ni pour nous. Ce n’est pas l’affaire d’un jour. On travaille pour ceux qui viendront après nous.