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LE BUISSON ARDENT

lui donnait de ces bonbons multicolores qui remplissaient les deux bocaux, à la devanture ; et ils regardaient ensemble les cartes postales illustrées. C’étaient d’heureux moments ; ils oubliaient tous deux le triste corps qui tenait en cage leur âme d’enfants.

Mais il arrivait aussi qu’ils se missent à parler, comme les grands, des choses politiques et de la religion. Alors, ils devenaient aussi stupides que les grands. La bonne entente cessait. Elle, parlait de miracles, de neuvaines, ou de pieuses images bordées de dentelles en papier et de jours d’indulgences. Lui, disait que c’étaient des bêtises et des mômeries, commue il avait entendu dire à son grand-père. Mais quand il voulait à son tour raconter les réunions publiques où le vieux l’avait emmené, et les discours auxquels il avait assisté, elle l’interrompait avec mépris et disait que tous ces gens-là étaient des soulards. La conversation s’aigrissait. Ils en venaient à parler de leurs parents ; ils se répétaient, l’un sur le compte de la mère, l’autre sur celui du grand-père, les propos injurieux du grand-père et de la mère. Puis, ils parlaient d’eux-mêmes. Ils cherchaient à se dire des choses désagréables. Ils y arrivaient sans peine. Il disait les plus grossières. Mais elle savait trouver