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LA FIN DU VOYAGE

pelouse verte, de petits jets d’eau faisaient tomber leur fine pluie en réseau grésillant. Dans un arbre ensoleillé, des pigeons bleu d’ardoise, à l’œil rond, roucoulaient. Et tout autour, c’était le ronflement perpétuel de Paris, le grondement des voitures, la mer bruissante des pas, les cris familiers de la rue, le lointain flûteau rieur d’un raccommodeur de faïences, un marteau de terrassier tintant sur les pavés, la noble musique d’une fontaine, — toute l’enveloppe fiévreuse et dorée du rêve parisien. — Et le petit bossu, à cheval sur son banc, la bouche pleine, ne se pressant pas d’avaler, s’alanguissait dans une délicieuse torpeur, où il ne sentait plus son échine douloureuse et son âme chétive ; il était tout baigné d’un bonheur imprécis et grisant.


— « … Tiède lumière, soleil de la justice qui luira demain pour nous, ne luis-tu pas déjà ? Tout est si bon, si beau ! On est riche, on est fort, on se porte bien, on aime… J’aime, j’aime tous, tous m’aiment… Ah ! qu’on est bien ! Qu’on va être bien, demain !… »


Les sirènes d’usines sifflaient ; l’enfant s’éveillait, avalait sa bouchée, buvait une longue gorgée à la Wallace voisine, et, rentré