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LES AMIES

calme musique de son âme latine, nourrie de la lumière et de la paix puissante de la terre italienne. Tout naturellement, elle avait acquis une certaine influence dans le monde de Paris : elle ne s’en étonnait point, et savait discrètement en user pour les œuvres artistiques ou charitables qui recouraient à elle ; de ces œuvres elle laissait à d’autres le patronage officiel : car bien qu’elle sût tenir son rang, elle avait conservé de son enfance un peu sauvage dans la villa solitaire au milieu des champs, une indépendance secrète, que le monde fatiguait tout en l’amusant, mais qui savait déguiser son ennui sous l’aimable sourire d’un cœur courtois et bon.

Elle n’avait pas oublié son grand ami Christophe. L’enfant, que brûlait en silence un innocent amour, sans doute n’existait plus. La Grazia d’à présent était une femme très sensée et nullement romanesque. Elle avait une douce ironie pour les exagérations de sa tendresse enfantine. Elle ne laissait point pourtant d’être émue par ces souvenirs. La pensée de Christophe était associée aux heures les plus pures de sa vie. Elle n’entendait pas son nom sans plaisir : et chacun de ses succès la réjouissait, comme si elle y avait eu part : car elle les avait pressentis. Dès son arrivée à Paris, elle