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LA FIN DU VOYAGE

la fatigue déprimante de cette tristesse perpétuelle et le besoin de la fuir.

Le malheur fait tomber dans une étrange solitude. Les hommes en ont une horreur instinctive. On dirait qu’ils ont peur qu’il ne soit contagieux : à tout le moins, il ennuie ; on se sauve de lui. Qu’il est peu de personnes qui vous pardonnent de souffrir ! C’est toujours la vieille histoire des amis de Job. Éliphaz de Theman accuse Job d’impatience. Baldad de Suli soutient que les malheurs de Job sont la peine de ses péchés. Sophar de Naamath le taxe de présomption. « Et à la fin, Élin fils de Barachel de Buz de la famille de Ram, entra dans une grande colère, et se fâcha contre Job, parce que Job assurait qu’il était juste devant Dieu. » — Peu de gens vraiment tristes. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. Olivier était de ceux-ci. Comme disait un misanthrope, « il paraissait se complaire à être maltraité. On ne gagne rien à ce personnage d’homme malheureux : on se fait détester. »

Olivier ne pouvait parler de ce qu’il sentait à personne, même à ses plus intimes. Il s’apercevait que cela les assommait. Même son cher Christophe était impatienté de cette peine tenace et importune. Il se savait trop maladroit à y porter remède. Pour dire la vé-