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Ils se turent, assis devant le foyer, le petit minet entre eux, tous trois immobiles, absorbés, et regardant le feu. La flamme, près de s’éteindre, caressait de son battement d’aile le fin visage de Mme  Arnaud, que rosissait une exaltation intérieure qui ne lui était pas coutumière. Elle s’étonnait elle-même de s’être ainsi livrée. Jamais elle n’en avait tant dit. Jamais plus elle n’en dirait autant.

Elle posa sa main sur celle de Christophe et dit :

— Que faites-vous de l’enfant ?

C’était à cela qu’elle pensait, depuis le commencement. Elle parlait, elle parlait, elle était une autre femme, elle était comme grisée. Mais à cela seul elle pensait. Dès les premiers mots de Christophe, elle s’était bâti un roman dans son cœur. Elle pensait à l’enfant que sa mère avait laissé, au bonheur de l’élever, de tresser autour de cette petite âme ses rêves et son amour. Et elle se disait :

— Non, c’est mal, je ne dois pas me réjouir de ce qui est le malheur des autres.

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