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LA FIN DU VOYAGE

tel de ces critiques présomptueux qui régentent l’art, avec l’insolence que donnent l’ignorance et l’impunité, il haussait les épaules, en disant :

— Juge-moi. Moi, je te juge. Rendez-vous dans cent ans !

Mais en attendant, les médisances allaient leur train ; et le public, suivant l’habitude, accueillait bouche bée les accusations les plus niaises et les plus ignominieuses.

Comme s’il ne trouvait point que la situation fût assez difficile, Christophe choisit ce moment pour se brouiller avec son éditeur. Il n’avait pourtant pas à se plaindre de Hecht, qui lui publiait régulièrement ses nouvelles œuvres, et qui était honnête en affaires. Il est vrai que cette honnêteté ne l’empêchait point de conclure des traités désavantageux pour Christophe ; mais, ces traités, il les tenait. Il ne les tenait que trop bien. Un jour, Christophe eut la surprise de voir un septuor de lui arrangé en quatuor, et une suite de pièces pour piano à deux mains gauchement transcrites à quatre mains, sans qu’on l’eût avisé. Il courut chez Hecht, et lui mettant sous le nez les pièces du délit, il dit :

— Connaissez-vous cela ?

— Sans doute, dit Hecht.