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Christophe avait fini par se faire des ennemis de ses protecteurs du Grand Journal, Cela était facile à prévoir. Christophe avait reçu du ciel cette vertu célébrée par Gœthe ; « la non-reconnaissance ».


« La répugnance à se montrer reconnaissant, écrivait Gœthe ironiquement, est rare et ne se manifeste que chez des hommes remarquables, qui, sortis des classes les plus pauvres, ont été à chaque pas forcés d’accepter des secours presque toujours empoisonnés par la grossièreté du bienfaiteur… »


Christophe ne pensait pas qu’il fût obligé de s’avilir, pour un service rendu, ni — ce qui était le même pour lui — d’abdiquer sa liberté. Il ne prêtait pas ses bienfaits à tant pour cent, il les donnait. Ses bienfaiteurs l’entendaient un peu différemment. Ils furent choqués dans le sentiment moral très élevé qu’ils avaient des devoirs de leurs débiteurs, que Christophe refusât d’écrire la musique d’un

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