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LA FIN DU VOYAGE

sées et cette volonté dévorante de vaincre qui l’avait soutenue, d’autant plus dévorante à chaque saleté nouvelle qu’il lui fallait endurer. Elle eût souhaité de mourir ; mais c’eût été trop abominable de succomber au milieu des humiliations, de ne pas aller plus loin. Se suicider avant, soit ! Ou après la victoire. Mais pas quand on s’est avili, sans en avoir eu le prix…

Elle se taisait. Christophe marchait avec colère dans la chambre ; il aurait voulu assommer ces gens, qui avaient fait souffrir, qui avaient souillé cette femme. Puis, il la regarda avec pitié ; et, debout auprès d’elle, il lui prit la tête, les tempes, le front entre ses mains, les serra affectueusement, et dit :

— Pauvre petit !

Elle fit un geste pour l’écarter. Il dit :

— N’ayez pas peur de moi. Je vous aime bien.

Alors, des larmes coulèrent sur les joues pâles de Françoise. Il s’agenouilla près d’elle et baisa

la lunga man d’ogni bellezza piena…
les belles mains longues et délicates, sur lesquelles deux larmes étaient tombées.