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LA FIN DU VOYAGE

parla gentiment, en l’appelant par son nom.

— Comment, vous me connaissez ? dit-il.

— Comme si tout le monde ne se connaissait pas à Paris ! Vous êtes du bateau, vous aussi. Mais j’ai eu tort de vous parler comme j’ai fait. Vous êtes un bon garçon, vous, je vois ça. Allons, calmez-vous. Tope ! Faisons la paix !

Ils se donnèrent la main, et causèrent amicalement. Elle dit :

— Ce n’est pas ma faute, voyez-vous. J’ai fait tant d’expériences avec les gens que cela m’a rendue défiante.

— Ils m’ont bien souvent déçu, moi aussi, dit Christophe. Mais je leur fais toujours crédit.

— Je vois bien, vous devez être né gobe-mouches.

Il se mit à rire :

— Oui, j’en ai avalé pas mal, dans ma vie ; mais cela ne me gêne pas. J’ai bon estomac. J’avale aussi de plus grosses bêtes, la vache enragée, la misère, et, au besoin, les misérables qui s’attaquent à moi. Je ne m’en porte que mieux.

— Vous avez de la veine, dit-elle, vous êtes homme, vous.

— Et vous, vous êtes femme.