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LA FIN DU VOYAGE

que s’il avait pu se douter qu’il la gênait, il serait descendu. Elle se contenta de répondre, avec un sourire ironique :

— C’est vrai, vous étiez insupportable, avec votre insistance à me dévisager.

Il dit :

— Pardon ; je ne pouvais pas m’empêcher… Vous aviez l’air de souffrir.

— Eh bien, et puis après ? dit-elle.

— C’est plus fort que moi. Si vous voyiez quelqu’un se noyer, est-ce que vous ne lui tendriez pas la main ?

— Moi ? Pas du tout, dit-elle. Je lui enfoncerais plutôt la tête sous l’eau, pour que ce fût plus vite fini.

Elle dit cela, avec un mélange d’amertume et d’humour ; et comme il la regardait, d’un air interdit, elle rit.

Le train arriva. Tout était plein, sauf la dernière voiture. Elle monta. L’employé les pressait. Christophe, qui ne tenait pas à recommencer la scène de l’autre jour, voulut chercher un autre compartiment. Elle lui dit :

— Montez.

Il entra. Elle dit :

— Aujourd’hui, cela m’est égal.

Ils causèrent. Avec un grand sérieux, Christophe cherchait à lui démontrer qu’il n’était