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LES AMIES

tion, mais âpre, fantasque, déroutante, violente, qui avait beaucoup roulé avant d’en arrivera sa gloire présente, et qui se vengeait, depuis.

Un jour que Christophe prenait le chemin de fer, pour aller voir Philomèle à Meudon, en ouvrant la porte de son compartiment il trouva la comédienne, déjà installée. Elle semblait dans un état d’agitation et de souffrance ; et l’apparition de Christophe lui fut désagréable. Elle lui tourna le dos, regardant obstinément par la vitre opposée. Mais Christophe, frappé de l’altération de ses traits, ne cessait de la fixer, avec une compassion naïve et gênante. Elle en était impatientée, et lui lança un regard furieux, qu’il ne comprit pas. À la station suivante, elle descendit, et remonta dans une autre voiture. Alors seulement, il pensa — un peu tard — qu’il l’avait fait fuir ; et il en fut mortifié.

Quelques jours après, à une station sur la même ligne, revenant à Paris, et attendant le train, il était assis sur l’unique banc du quai. Elle parut, et vint s’asseoir à côté de lui. Il voulut se lever. Elle dit :

— Restez.

Ils étaient seuls. Il s’excusa de l’avoir forcée à changer de compartiment, l’autre jour ; il dit