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LA FIN DU VOYAGE

voir et sans sentir. Ils rentrèrent, le cœur serré. C’était le crépuscule ; l’appartement était vide, noir, et froid. Ils n’allumèrent pas tout de suite, pour ne pas se voir eux-mêmes. Jacqueline entra dans sa chambre, et, au lieu d’enlever son chapeau, son manteau, elle s’assit, muette, auprès de la fenêtre. Olivier, dans la pièce voisine, s’assit aussi, appuyé sur la table. La porte était ouverte entre les deux chambres ; ils étaient si près l’un de l’autre qu’ils auraient pu entendre leur souffle. Et dans les demi-ténèbres, tous deux, amèrement, en silence, pleurèrent. Ils appuyaient leur main sur leur bouche, pour qu’on n’entendit rien. À la fin, Olivier angoissé dit :

— Jacqueline…

Jacqueline, dévorant ses larmes, dit :

— Quoi ?

— Est-ce que tu ne viens pas ?

— Je viens.

Elle se déshabilla, alla baigner ses yeux. Il alluma la lampe. Après quelques minutes, elle rentra dans la chambre. Ils ne se regardaient point. Ils savaient qu’ils avaient pleuré. Et ils ne pouvaient se consoler : car ils savaient pourquoi.