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LES AMIES

elle se rejeta dans son isolement à deux, cherchant à se persuader, par ces épreuves malheureuses, qu’il n’y avait décidément de bon que l’amour. Et, pendant quelque temps, elle sembla en effet plus amoureuse que jamais. Mais c’était qu’elle voulait l’être.

Olivier, moins passionné et plus riche de tendresse, était davantage à l’abri de ces transes ; il n’en ressentait, pour sa part, qu’un frisson vague et intermittent. D’ailleurs, son amour était préservé, dans une certaine mesure, par la gêne de ses occupations journalières, de son métier qu’il n’aimait point. Mais comme il avait une sensibilité fine et que tous les mouvements qui se passaient dans le cœur qu’il aimait se propageaient dans le sien, l’inquiétude cachée de Jacqueline se communiquait à lui.

Un bel après-midi, ils se promenaient ensemble dans la campagne. Ils s’étaient réjouis à l’avance de cette promenade. Tout était riant autour d’eux. Mais dès les premiers pas, un manteau de tristesse morne et lasse tomba sur eux ; ils se sentirent glacés. Impossible de parler. Ils se forçaient pourtant ; mais chaque mot qu’ils disaient faisait sonner le néant où ils se trouvaient. Ils achevèrent leur promenade, comme des automates, sans