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De ce cercle d’airain de l’idéalisme guerrier, des batailles de la Raison, — comme Virgile guidait Dante, Olivier conduisait Christophe par la main au sommet de la montagne, où se tenait, silencieuse et sereine, la petite élite des Français vraiment libres.

Nuls hommes plus libres au monde. La sérénité de l’oiseau qui plane dans le ciel immobile. À ces hauteurs, l’air était si pur, si raréfié, que Christophe avait peine à respirer. On voyait là des artistes qui prétendaient à la liberté absolue, illimitée, du rêve, — subjectivistes effrénés, méprisant, comme Flaubert, « les brutes qui croient à la réalité des choses » ; — des penseurs, dont la pensée ondoyante et multiple, se calquant sur le flot sans fin des choses mouvantes, allait « coulant et roulant sans cesse », ne se fixant nulle part, nulle part ne rencontrant le sol résistant, le roc, et « ne peignait pas l’être, mais peignait le passage », comme disait Montaigne, « le passage éternel, de jour en jour, de minute en minute » ; — des savants qui savaient le vide et le néant universel, dans lequel l’homme a

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